Traitements

Traitements
Im

Le seul traitement scientifiquement valable pour traiter l'envenimation des serpents est l'administration parentérale d'antivenin. Il s'agit d'un produit hétérologue composé soit d'immunoglobulines entières soit de fragments obtenus à partir de plasma de chevaux ou de moutons hyperimmunisés au venin de serpent.

Parce que les problèmes localisés au site de la morsure peuvent continuer à progresser même après l'administration d'antivenin, jusqu'à 24 heures après l'envenimation dû aux conséquences de la libération de médiateurs inflammatoires endogènes après l'inoculation du venin, une surveillance accrue doit être maintenue même lorsque les symptômes se sont stabilisés.

Les tests de coagulation sont très importants, car ils facilitent le diagnostic et éclairent les décisions concernant le traitement.

En ce qui concerne la thérapie antivenimeuse, certains aspects doivent être garder à l'esprit :

1. L'antivenin ne doit être administré qu'aux patients présentant des manifestations d’envenimation ; certaines morsures (« morsures sèches ») n'entraînent pas d'envenimation et l'antivenin ne doit pas être utilisé dans ces cas.

2. L'antivenin doit être administré par voie intraveineuse.

3. Le nombre d'ampoules ou de flacons requis varient selon la gravité des symptômes évalué à l'admission.

4. Les patients doivent recevoir l'antivenin spécifique au genre ou à la famille de serpent qui a causé l’envenimation.

5. L'antivenin peut être dilué dans du glucose à 5 % ou en solution saline. Bien que la dilution soit généralement comprise entre 1:5 et 1:10, le volume total à administrer doit être évalué au cas par cas, en tenant compte du poids du patient et de la présence de comorbidités qui limitent l'administration de liquides.

6. L'antivenin doit être administré en 30 min à 1 heure ; l'administration d'antivenin peut être initiée lentement et augmentée progressivement.

7. Chez les patients qui présentent une réaction d'hypersensibilité à l'antivenin lors de son administration (effet indésirable précoce), la perfusion de la solution doit être temporairement suspendue et la réaction d'hypersensibilité doit être traitée en fonction du type et de l'intensité des signes et symptômes. L'épinéphrine (adrénaline) est le médicament de choix pour traiter l'anaphylaxie. Après le traitement de la réaction précoce, le traitement antivenimeux doit être réinitialisé, bien que l'antivenin doive être plus dilué et perfusé plus lentement.

8. En cas de morsures de serpents dont le venin provoque une coagulopathie (Bothrops, Lachesis et Crotalus), des tests de coagulation doivent être effectués 12 à 24 h après l'administration d'antivenin, afin d'évaluer le traitement. S'il n'y a pas d'amélioration de la coagulopathie après 12 h, c'est-à-dire si le sang ne coagule toujours pas, les possibilités suivantes doivent être envisagées : l'antivenin a été administré de manière inappropriée (erreur de diagnostic du type d'envenimation) ; la quantité d'antivenin administrée était insuffisante (erreur dans l'appréciation de la gravité) ; ou l'antivenin a été mal conservé ou est périmé. Cependant, dans la plupart des cas où les résultats des tests de coagulation ne se sont pas améliorés après l'administration d'antivenin, le diagnostic étiologique s'est avéré erroné.

9. Chez les patients atteints d'envenimation ophidienne, il est important d'obtenir un bon accès veineux périphérique pour l'administration d'antivenin. L'accès veineux ne doit pas être obtenu sur le membre mordu, notamment en cas de morsures de serpents dont le venin provoque un œdème. Chez les patients atteints de coagulopathie, l'accès veineux par la veine jugulaire périphérique doit être évité en raison du risque de perte d'accès et d'hématome, qui peut altérer la respiration en provoquant une compression extrinsèque des voies respiratoires.

Les tableaux 1 et 2 donnent une idée globale de l’état de l’envenimation et de la conduite médicale à tenir auprès de la victime

Tableaux cliniques

Tableau 1- Tableau clinique des envenimations - J.-P Chippaux

Grade

Stade

Tableau clinique

0

Morsure blanche/Sèche

Traces de crochets au niveau de la morsure, pas d’œdème ou de réaction locale.

1

Mineur

Œdème locale, absence de signes généraux

2

Modérée

Œdème régional du membre et/ou symptômes généraux modérés (hypotension modérée, malaises, vomissements, douleurs abdominales, diarrhées)

4

Sévère

Œdème extensif atteignant le tronc et/ou symptômes généraux sévères (hypotension prolongée, choc, réaction anaphylactoïde, atteintes viscérales

Tableau 2- Conduite à tenir en fonction de l'espèce (REVMED)

Délais d’apparition des symptomes

Signes cliniques

Famille

Traitement

Morsure

0

· Traces de crochets

· Douleurs locales

?

· Repos complet, pose d’une attelle pour immobiliser le membre et ralentir la diffusion du venin

· Nettoyage de la plaie

· Prophylaxie antitétanique

· Rechercher des signes d’envenimation

Envenimation

10 – 30 min

· Hypotension, myosis, hypersialorrhée, hypersudation, dysphagie, dyspnée

· Paresthésie locale, parésie

Elapidé

·Pose de voie veineuse périphérique

· Sérothérapie IV dès que possible

·Syndrome inflammatoire : douleur intense, œdème régional extensif

Vipéridé

· Pose de voie veineuse périphérique

· Sérothérapie IV dès que possible

· Antalgique

30min – 5h

· Syndrome cobraïques : ptose palpébrale bilatérale, trismus, paralysie respiratoire

· Choc

Elapidé

· Intubation et ventilation assistée

· Traitement de l’état de choc

30min – 48h

· Syndrome hémorragique : épistaxis, purpura, hémolyse ou CIVD

· Choc

Vipéridé

Crotalidé

· Surveillance des troubles de la coagulation

· Transfusion de sang frais si anémie massive

· Traitement de l’état de choc

4h et plus

· Absence de signe ; pas d’anomalie de la coagulation

?

· Rassurer le patient

· Nécrose

Vipéridé

Crotalidé

Elapidé

· Mise en place de plyctènes, pansements quotidiens

· Traitement chirurgical de la nécrose selon l’étendue à n’envisager qu’après stabilisation des lésions (15 jours minimum)

Outre l’injection de sérum antivenimeux, les traitements symptomatiques décris ci-dessous sont les méthodes les plus sûres pour traiter une envenimation ophidienne.

Traitements auxiliaires

Réanimation : pour les victimes de morsures de serpent nécessitant une réanimation, l'approche voies respiratoires-circulation doit être utilisée. Tous les signes vitaux doivent être vérifiés.

Jeûne : pendant l'administration d'antivenin, les victimes de morsures de serpent doivent jeûner, car il existe un risque de nausées et de vomissements en tant que manifestations d'hypersensibilité à l'antivenin. Après l'administration d'antivenin, l'état clinique du patient doit être évalué avant que la décision d'autoriser la consommation d'aliments ne soit prise. Les patients mordus par les serpents Crotalus, dont les venins provoquent une paralysie neuromusculaire, doivent être soigneusement évalués avant de reprendre un régime oral, compte tenu de l'évolution possible de la paralysie musculaire vers une difficulté à avaler et une insuffisance respiratoire.

Réanimation liquidienne : une réanimation adéquate au liquide cristalloïde est nécessaire pour une bonne hydratation, le débit urinaire horaire cible étant de 1 à 2 ml/kg de poids corporel (PC) pour les enfants et de 30 à 40 ml pour les adultes. Chez les individus mordus par des serpents appartenant à l'un des genres sud-américains de Crotalusdont le venin provoque une rhabdomyolyse, l'inversion de la déplétion du volume intravasculaire est l'une des mesures les plus importantes pour prévenir l'IRA, car elle rétablit une bonne perfusion rénale et augmente le débit urinaire, empêchant la formation de pigment de myoglobine. Dans le cadre d'une rhabdomyolyse, l'objectif de la réanimation liquidienne est de maintenir un débit urinaire de 200 à 300 ml/h. Des précautions doivent être prises pour éviter une surcharge volémique, en particulier chez les enfants et les personnes souffrant de maladies cardiaques ou d'anurie.

Médicaments vasoactifs : les victimes de morsures de serpent qui développent une hypotension et ne répondent pas à l'expansion volémique avec une solution cristalloïde doivent recevoir des médicaments vasoactifs.

Atropine : dans l'envenimation de Lachesis, l'administration d'atropine doit être envisagée si le patient développe une bradycardie avec instabilité hémodynamique.

Analgésie : pour contrôler la douleur résultant d'une morsure de serpent, de la dipyrone, du paracétamol ou des opioïdes peuvent être administrés si nécessaire. L'utilisation d'anti-inflammatoires non stéroïdiens doit être évitée.

Diurétiques : chez les patients atteints d'envenimation par morsure de serpent qui développent une oligurie malgré une hydratation adéquate, un diurétique tel que le furosémide peut être prescrit pour stimuler le flux urinaire. L'administration diurétique peut ainsi faciliter la prise en charge de la surcharge volémique chez les patients atteints d'IRA.

Alcalinisation urinaire : chez les victimes de morsures de serpent de Crotalus qui développent une rhabdomyolyse sévère, l'élévation du pH urinaire au-dessus de 6,5 peut réduire la toxicité et augmenter la solubilité de la myoglobine dans les tubules rénaux. Cependant, bien que l'alcalinisation urinaire soit une intervention courante dans la prise en charge de la rhabdomyolyse, il existe peu de preuves cliniques de son bénéfice. L'utilisation de cette mesure doit être évitée si le patient ne présente pas un niveau de débit urinaire suffisant pour éviter l'alcalose.

Mannitol : dans l'envenimation par morsure de serpent pouvant entraîner une rhabdomyolyse, le mannitol peut être considéré comme un diurétique osmotique pour la prévention de l'IRA, bien que son utilisation systématique ne soit pas recommandée. Pour éviter une surcharge hydrique et une congestion circulatoire, le mannitol ne doit être utilisé qu'après correction du volume sanguin et obtention d'un débit urinaire approprié. La dose recommandée de mannitol est un bolus de 0,5 g/kg de poids corporel par heure, suivi de 0,1 g/kg de poids corporel par heure, dans une solution saline à 0,45.

Antibiothérapie : en cas de surinfection après morsure de serpent, comme c'est souvent le cas chez les victimes de morsures de serpent, le traitement recommandé est celui d'antibiotiques à large spectre actifs contre les bactéries gram-négatives (surtout Morganella spp.), les bactéries gram-positives, et l'envenimation anaérobie par morsure de serpents. Ces antibiotiques comprennent le chloramphénicol, la clindamycine (en association avec la ceftriaxone ou la ciprofloxacine) et l'ampicilline en association avec le sulbactam. Dans la mesure du possible, le régime de traitement doit être réévalué au moyen de cultures et de tests de sensibilité.

Procédures chirurgicales : chez les victimes de morsures de serpent, tout abcès doit être drainé en temps opportun et les zones de nécrose doivent être débridées. En cas de suspicion de syndrome des loges, le patient doit être soigneusement évalué afin de déterminer si une fasciotomie est indiquée. L'utilisation de la fasciotomie doit être limitée aux cas où la pression sous-fasciale reste élevée (> 30 mmHg) ou, plus précisément, si la pression de perfusion du compartiment (pression artérielle moyenne moins pression intracompartimentale) est de 30 mmHg.

Utilisation de produits sanguins : la transfusion de plasma frais congelé, de cryoprécipité ou de plaquettes ne doit pas être utilisée comme substitut à l'administration d'antivenin, dans la correction des troubles hémostatiques ; le saignement spontané cesse quelques heures après le début de l'administration de l'antivenin. Cependant, lorsqu'il est nécessaire d'effectuer des procédures invasives ou chirurgicales après l'administration d'antivenin mais avant l'inversion de la coagulopathie, les produits sanguins peuvent et doivent être utilisés.

Thérapie de remplacement rénal : chez certains patients atteints d'IRA, la dialyse doit être envisagée.

Ventilation mécanique : les patients atteints d'envenimation par un serpent qui présentent des manifestations neuroparalytiques, telles que celles présentant une envenimation par Crotalus, peuvent parfois évoluer vers une fonction respiratoire altérée. Ces patients nécessitent une intubation endotrachéale et une ventilation mécanique.

Drainage postural : s'il y a un œdème au site d'une morsure de serpent, le membre atteint doit être surélevé. Cependant, en cas de syndrome des loges, cette pratique doit être réévaluée.

Utilisation du garrot : les garrots ne doivent pas être appliqués en cas de morsure de serpent, en particulier dans celles causées par des serpents dont le venin entraîne une inflammation locale intense tel que les gens Agkistrodon, Atropoides (incluant Metlapilcoatlus), Bothrops, Bothriechis, Bothrocophias, Porthidium, Crotalus ou Lachesis. Si un garrot a été appliqué, il doit être retiré lentement et avec précaution, afin d'éviter la libération brutale de facteurs vasoactifs et le choc qui en résulte.

Médicaments parentéraux : les médicaments ne doivent pas être injectés au site de la morsure. En cas de morsures de serpent pouvant provoquer une coagulopathie notamment par les genres Bothrops, Lachesiset Crotalus, les injections intramusculaires doivent également être évitées jusqu'à ce que les altérations de la coagulation soient corrigées.

Procédures invasives : chez les victimes de morsures de serpent, les procédures invasives inutiles, telles que l'utilisation d'un cathéter veineux central ou d'un cathéter urinaire, doivent être évitées, en particulier chez ceux qui ont développé une coagulopathie.

Prophylaxie antitétanique : si cela est justifié sur la base des antécédents de vaccination, le statut vaccinal contre le tétanos des patients atteints d'envenimation de serpent doit être mis à jour. De plus, le besoin de sérum antitétanique ou d'immunoglobuline doit être évalué. Lorsqu'une prophylaxie antitétanique est indiquée, elle doit être administrée après normalisation de la coagulopathie (généralement 24 h après l'administration d'antivenin), afin de prévenir la formation d'hématomes.

Soins de suivi : une personne qui a été mordue par un serpent venimeux aura besoin d'une thérapie physique appropriée afin d'éviter les contractures et les déformations. L'immobilisation doit être interrompue par de fréquentes périodes d'exercices légers, évoluant de passif à actif et comprenant des étirements, si indiqués. Certains patients peuvent avoir besoin d'être suivis par un chirurgien plasticien, un orthopédiste, un physiatre, un physiothérapeute ou un ergothérapeute. De plus, les conséquences psychologiques à long terme vécus par des victimes de morsures de serpent ne sont pas connus et nécessitent une enquête.